Atelier Climat : pour aller plus loin

Zoom sur des notions essentielles - Les Ecohumanistes

Dans le prolongement de l’atelier climat de septembre 2022, voici un zoom sur quelques notions essentielles à cette thématique, tels que les points de bascule ou encore la comptabilité carbone.

Les points de bascule du climat ?

Quelques jours avant la tenue de notre atelier, un article scientifique d’ARMSTRONG MCKAY D. et al.1 a été publié sur les points de bascule, un sujet qui a également été abordé au cours de notre table ronde. Nous faisons le point.

Les points de bascule sont des seuils à partir desquels un changement, même minime, peut faire basculer un système dans un état complètement nouveau. 

Cet article, très commenté dans la presse, a mis en lumière ce sujet et clarifié certains éléments. Les auteurs identifient plusieurs points de bascule (comme par exemple la fonte de la calotte glaciaire au Groenland ou la disparition des récifs coralliens de basses latitudes) et prennent le temps d’expliquer leur définition de ces “tipping points”. Une définition qu’ils centrent sur le caractère irréversible de l’emballement (même si le réchauffement climatique repasse sous le seuil). Ils précisent toutefois que cette définition n’est pas forcément universelle. 

Cette absence de consensus scientifique sur des points de bascule bien définis au-delà desquels les conséquences climatiques deviendraient bien plus graves que pour quelques dixièmes de degrés de moins a été également pointée lors de notre table ronde. Nos experts et notre délégué climat, expliquaient ainsi que l’importance des dommages est une fonction plus continue de l’amplitude du réchauffement. Les évolutions du climat devraient se manifester de façon progressive, cumulative et non soudaine. 

Dans la suite de leur article ARMSTRONG MCKAY D. et al., précisent également les incertitudes existantes pour chacun des tipping points qu’ils identifient : il ressort de cette analyse qu’il existe une gamme de températures importante sur laquelle le basculement, tel qu’ils l’entendent, pourrait se produire. 

La publication de cet article a permis de faire un état des lieux des enjeux du réchauffement climatique, quelques semaines avant la COP 27, et de pointer un élément clé : chaque dixième de degré compte pour la stabilisation du climat !

La comptabilité carbone : quelles limites ? Comment l’améliorer ?

Il existe des discordances entre la comptabilité « politique » et la comptabilité « climatique ». Là où la comptabilité des Etats met en avant les actions volontaires de limitation des pertes de carbone des sols en comptabilisant le stockage de carbone permis par ces actions de limitation, les modèles climatiques, eux, retiennent une perte en valeur absolue. 

Selon les experts, la comptabilité carbone ne devrait par ailleurs retenir que les émissions associées aux flux d’énergie fossile. Le reste des émissions, comme celles liées à la déforestation ou au changement d’usage des terres devrait être comptabilisé à part pour éviter de ne compter que les puits de carbone et pas les fuites. En effet, si les émissions sont comptées de manière indifférenciée, il existe un risque que les émissions liées à des feux de forêts ne soient pas retenues comme des émissions alors que les puits liés à la croissance des forêts sur plusieurs années pourraient être pris en compte. 

A l’échelle européenne, un accord interinstitutionnel a fixé le 10 novembre dernier l’objectif d’absorption de carbone par les puits de carbone naturels à 310 millions de tonnes de CO2 en 2030.  Dans cet accord, la règle préexistante indiquant que les émissions ne doivent pas dépasser les absorptions de CO2 est maintenue jusqu’à 2025. Au-delà, les absorptions devront nécessairement dépasser les émissions.

Plusieurs écueils sont déjà pointés concernant cet accord, en particulier, la flexibilité qui semble se dessiner quant aux méthodologies comptables. En effet, l’accord semble maintenir la possibilité d’acheter et vendre des unités d’absorptions entre Etats membres et d’utiliser les quotas annuels d’émissions excédentaires pour atteindre les objectifs UTCATF (Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et de la Forêt). Il est également permis, pour les Etats subissant des perturbations naturelles (par exemple des feux de forêts), de bénéficier d’une plus grande flexibilité si l’Union atteint son objectif collectif2

Le mirage de la compensation carbone

Si la comptabilité carbone présente quelques lacunes qu’il est nécessaire de combler, elle permet néanmoins d’orienter les actions et politiques des Etats. 

En revanche, la compensation carbone, elle, apparaît potentiellement contre-productive car, par son existence, elle autorise à émettre du CO2 au lieu de prendre du recul et réfléchir à comment cette émission aurait pu être évitée. 

De plus, compenser l’ensemble des émissions fossiles est illusoire : il faudrait par exemple planter des arbres sur plusieurs fois la surface continentale de la terre.

Au-delà de ces premières limites, déjà critiques, se pose la question du prix à donner à la tonne eq. CO2. Selon les experts, la compensation carbone ne devrait donc être réservée qu’aux émissions incompressibles.  

Une étude commandée par le Ministère de la Transition Écologique et publiée en 2022 fait le point sur les standards de compensation existants, vous pouvez la retrouver ici

1 ARMSTRONG MCKAY D. et al. Exceeding 1.5°C global warming could trigger multiple climate tipping points, Science, Vol.377, No 6611, 2022.

2 Conseil de l’UE. Ajustement à l’objectif de 55 %: un accord provisoire fixe des objectifs ambitieux pour l’absorption du carbone dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie. Communiqué de presse. 11 novembre 2022 ; et Frédéric Simon. Accord provisoire entre eurodéputés et États membres sur l’absorption de CO2 par la sylviculture et l’utilisation des sols. Euractiv. 11 novembre 2022.

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